29 mai 2012

Seul dans Berlin


Dans un récent numéro, le magazine Entre les lignes parlait de tourisme littéraire ; du rapport qu’entretiennent certains écrivains avec les lieux reliés à leurs auteurs fétiches. J’avais succinctement répondu à la demande de Marie-Claire Fortin.
Je me reprends aujourd’hui avec Seul dans Berlin, de Hans Fallada. Dès la première phrase, l’action est située : «Eva Kluge la postière, monte avec lenteur l’escalier du 55 rue Jablonski.»
Ce magnifique roman a été publié en 1947, l’année du décès de Fallada. Il raconte le quotidien de simples Berlinois pendant la guerre de 39-45. On y côtoie les Persicke - une famille de nazis, le couple Quangel, la vieille frau Juive Rosenthal, le juge de paix. On vit avec les Allemands la terreur imposée par le régime d’Hitler. La peur, la délation, la lâcheté, le courage, les déportations, la gestapo, les SS. Le schnaps qui coule à flots chez les puissants. Les petites gens qui tremblent, se taisent, travaillent.
Mais surtout, on s’attache à Otto et Anna. Dès le début du livre, ils apprennent la mort de leur fils, au front. Le jour de la capitulation de la France. Très vite, un changement s’opère ; ils décident de résister aux nazis en écrivant des cartes postales dénonciatrices qu’ils disséminent dans Berlin. 
 
Les lieux sont précisés : avenue de Prenzlau, Alexanderplatz, parc Friedrich... Et ce fameux 55 rue Jablonski où ils habitent. Je suis allé voir. La rue existe. Les immeubles de quatre étages aussi. Mais il n’y a pas de 55 ; la rue s’arrête au 41.
J’ai profité de travaux au 37 pour entrer dans un vieil immeuble où j’ai pris ces photos. On y retrouve l’ambiance décrite dans Seul dans Berlin ; l’éclairage faiblard, les escaliers raides...
 
Cette lecture est une visite guidée des lieux et des sentiments. On ressent ce qu’a vécu la population.  Un commissaire mène l’enquête et on passe du polar au roman social avec des passages qui m’ont ramené au Paris de L’assommoir de Zola.
Primo Lévi a dit de ce livre qu’il était «l’un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie ».


24 mai 2012

Printemps érable : une fiction?

Cette nuit, le SPVM a arrêté près de 650 personnes qui manifestaient pacifiquement à Montréal !
On est vraiment dans le grand n'importe quoi.
Je me cherchais justement une idée pour un nouveau polar jeunesse à saveur historique. Après les mesures de guerre de 70, mai 68 et la résistance à la conscription de 1918, je pourrais raconter le printemps érable aux jeunes du primaire.
À suivre...

19 mai 2012

Carré rouge


Je suis parti de Montréal depuis presque sept mois. Pour mieux y revenir. Je voyage, j’écris, j’apprends. Depuis trois mois, un mouvement de contestation étudiant sans précédent s’est déclenché, a enflé, ne dérougit pas. En réaction à une scandaleuse augmentation des frais de scolarité, des centaines de milliers d’étudiants se sont mis en grève. La plus longue grève de ce type dans l’histoire du Canada. Et face à cet élan, le gouvernement refuse de négocier, de parler. Quand un tel mouvement envahit une jeunesse, comment un pouvoir peut-il le nier ? La démocratie, ce n’est pas juste voter et fermer sa gueule pendant quatre ans.

Nos deux enfants étudiants sont dans cette grève, comme tant d’autres. De loin, je suis ce mouvement pas à pas, je n’en manque rien, mais je ne peux manifester avec eux. Au début, je me disais que cette grève était celle des étudiants, pas de leurs parents. Aujourd’hui, les revendications sont celles d’un peuple qui refuse une approche néo-libérale rétrograde. Je suis solidaire.

Et puis, ce 17 mai 2012, cette loi couperet est votée. Je suis abasourdi. Pas dans le Québec où j’ai choisi de vivre ! Où j’ai choisi de m’installer depuis 20 ans. Où j’ai ma famille, mes amis, mes collègues.
Je suis devenu écrivain en arrivant à Montréal. Je suis devenu un autre homme. Partout où je vais, je suis un ambassadeur de ce pays que j’adore. Mais là, je ne peux que raconter à ceux et celles que je rencontre que mon pays est devenu fou, qu’il régresse avec une loi bâillon, un coup de matraque dans les gencives de la liberté de manifester, de penser, de se réunir, de protester.

Je rentre à Montréal le 5 juin. J’ai l’impression que je vais débarquer en terre étrangère, dans une Hongrie de 1956. Je suis présentement à Berlin. Le mur est tombé depuis 1989. La vie est calme, les gens semblent heureux. Ce soir, on va regarder un match de foot. Mais je pense à mon Québec devenu malade à cause d’un chef mégalo, autoritaire, dangereux.
Carré rouge sur fond noir.

11 mai 2012

Sortie de garage gratis


Marie-Hélène Poitras, éditrice du site Zone d’écriture à Radio-Canada (et aussi auteur et journaliste), m’a invité à écrire une nouvelle sous le signe du polar. Unique contrainte : le format.
Raconter une histoire entre 500 et 600 mots, installer les personnages, développer et trouver une chute qui percute, voilà un défi comme je les aime.
À vous de découvrir mon texte intitulé Sortie de garage, en ligne sur ce très bon site dédié à toutes les littératures.

Un gros merci à mon frère Guy pour les précisions techniques qui font toute la différence.

09 mai 2012

Berlin, enfin


Nous sommes à Berlin depuis deux semaines. On adore la ville, même si n’a pas encore vu grand-chose, car on travaille dans un petit appartement loué dans Mitte. Le quartier, autrefois côté RDA, est calme, plein de boutiques de jeunes designers, de bars et de restaurants.
D’abord, une évidence : Berlin est une ville d’histoire. J’ai toujours été nul en histoire. J’essaie de rattraper le temps perdu, mes lacunes. On apprend beaucoup. Nos amis Berlinois ont vécu à l’est depuis toujours. Ils ont un point de vue moins tranché que celui auquel on pourrait s’attendre. Une discussion sur la Stasi (nous sommes allés visiter le musée) nous éclaire. Condamner le passé, quand on ne l’a pas connu, c’est facile. Et dangereux. J'y reviendrai, peut-être. Il faut creuser.
À deux pas de notre appart, ce cimetière militaire : GarnisonFriedhof. Un lieu superbe, paisible, devenu parc. L’herbe pousse. Les gradés pourrissent.
Juste en face, un message assez clair sur un immeuble squatté : Les soldats, c’est la mort.
Checkpoint Charlie, célèbre lieu de jonction entre Berlin Ouest et Berlin Est, n’est plus que ce remake ringard coincé entre un MacDo et une boutique de souvenirs.
Ajouter une légende
 Karl Marx a toujours ses fidèles qui lui laissent des bouquets sur la Karl Marx Strasse- imposante avenue héritée de l'époque soviétique. Les rues sont presque désertes, mais des milliers de Berlinois vivent là. C'est étrange.
À visiter et rechercher partout: les höfe - les cours, successives, parfois jusqu'à quatre avant la rue suivante. Elles sont occupées par des boutiques, des restaurants, des écoles. Ou simplement habitées par les riverains. Toujours cette impression si paisible.
J’avoue qu’on ne comprend pas toujours tout, et ce n’est pas à cause de la langue.
Bon, parfois c'est à cause de la langue. «La mort doit être supprimée...» Il faut que je potasse ce Bazon Brock.
Visite à la 7e Biennale en cours, sur le thème de «Occupy...» La signalétique est la partie la plus réussie de la manifestation.
Sinon, la vie est trépidante. On fait des rencontres surprenantes.

07 mai 2012

Cocorico



Grand plaisir de lecture que ce Cocorico de Pan Bouyoucas (Éd. XYZ).
L’idée de départ avait tout pour me séduire : après 30 ans d’écriture et 16 polars couverts d’un succès planétaire, un écrivain décide d’abandonner son personnage fétiche de flic, dans le coma de son dernier livre, pour écrire un livre plus léger, plus beau. Et éventuellement atteindre l’immortalité littéraire.
Pour y arriver, Pan Bouyoucas, comme dans plusieurs de ses livres, envoie son écrivain sur une île de sa Grèce natale. Son auteur pense y trouver l’inspiration, qui aura du mal à se matérialiser, car tout le ramène vers le polar. C’est plus fort que lui, mais il refuse cette facilité.
S’en suit tout un débat sur la superficialité des polars, leur caractère éphémère, leur vision trop noire de la réalité. Les dialogues sont nombreux et savoureux, surtout quand le flic de la fiction revient exiger de son auteur qu’il lui donne une dernière histoire. Quand il lui reproche tout ce qu’il lui a fait subir dans ses 16 aventures, plus sombres les unes que les autres.
L’écrivain refuse d’écrire un nouvel épisode policier. Il s’acharne autour d’une idée : le chant du coq - d’où le titre. Il tourne en rond. Son personnage revient à la charge, se moque de lui.
J’ai dévoré ce livre, touché par le thème, l’écriture fluide, l’humour aussi.

Pan et moi, nous nous sommes connus lors du lancement des éditions Les Allusifs en 2001. Il y publiait L’autre, et moi Tête depioche. Ce fut une très belle aventure, intense et joyeuse.

06 mai 2012

Lectures berlinoises


Je lis toutes sortes de livres depuis que je suis parti de Montréal. En fait, je lis ce que je peux. Dernièrement, j’ai surtout emprunté des livres électroniques à la Grande bibliothèque et leur (in)disponibilité m’amène à me plonger dans des romans que je n’aurais peut-être jamais ouverts autrement. À tort, évidemment.
Depuis que je suis à Berlin, j’essaie de me couler dans la littérature d’inspiration locale, mais ce n’est pas si simple.

J’ai découvert une très bonne librairie française : Zadig, sur Linienstrasse, où j’ai acheté L’espion qui venait du froid. Ce classique de John Le Carré publié en 1963 nous ramène en pleine guerre froide, des deux côtés du mur. Je me suis régalé, même si je ne suis pas un fan d’espionnage.

Ensuite, j’ai attaqué L’Escorte d’Anne Secret. Je connaissais un peu cette auteure pour avoir lu Moskova, une novella publié par Atelier In8 - après l’avoir croisée à la Maison de la Presse de Richelieu (37) – (sic).
Ce court roman publié en 2005 se déroule en bonne partie à Berlin, après la chute du mur. J’ai retrouvé son très beau style, sec, épuré, froid et efficace. Anne Secret aime les descriptions de lieux, les armes et les transports en commun. Ça se lit avec bonheur, comme une visite guidée d’un Berlin en effervescence.

Autre petit livre vraiment bien foutu : Le Goût de Berlin par Kristel de Pollotec (re-sic), éditions Mercure de France. Un florilège de textes d’écrivains couvrant les trois derniers siècles. On y découvre à quel point cette ville s’est transformée, a vécu au cœur de l’Histoire, déchirée, déchirante. Très intéressant, ja !

04 mai 2012

Rassurez-moi, quelqu'un


Les fidèles de ce blogue (je parle ici des cinq personnes qui le fréquentent assidument) auront remarqué que je n’ai pas écrit de nouvelle chronique dans Infopresse depuis belle lurette – depuis novembre 2011, pour être précis.
C’est que, comme les autres, je n’interviens plus désormais qu’un numéro sur trois. Et vu que certains numéros sont doubles...
Bref, me voici de retour avec cette chronique intitulée Rassurez-moi, quelqu’un ! Il y est question de la vague de conférences qui déferle sur le monde de la communication depuis quelques années. Mes deux personnages y trouveront chacun un intérêt particulier.
À lire en ligne et sur papier, comme d’hab.
Les cinq fidèles cités plus haut remarqueront, une fois de plus, la qualité de l’illustration signée par l'inimitable AlainPilon.
À la prochaine?


02 mai 2012

1er mai à Berlin


On a commencé par la réunion des syndicats à la porte de Brandebourg. C'était ordinaire.

Alors, on a pris nos vélos jusqu'à Kreuzberg, où c'était nettement plus animé.

Concerts punk, techno, rap, indie, ethnique. Il suffisait de choisir son coin de rue. Il y avait à boire et à manger.
Un concept à importer à Montréal: entrée des toilettes et shooter de téquila pour le même prix.
La table à droite n'a pas résisté très longtemps. Ils ont continué à danser sur les chaises et les banquettes.