J’ai déjà écrit sur ce blogue l’immense bien que je pense de La Confrérie des mutilés de Brian Evenson.
Grace aux bons soins de Fondu au Noir, j’ai reçu en avance le dernier roman de cet auteur atypique, contraint de quitter l’église mormone en raison de ses écrits. Mais avant, j’ai fait mes devoirs et lu ces deux premiers titres parus en français.
Tout d’abord : Contagion, un recueil de huit nouvelles paru en 2000 aux États-Unis. Il y a là tous les thèmes récurrents et obsessifs d’Evenson : un père autoritaire et religieux, deux frères aux identités floues, une maison labyrinthique, des livres sacrés écrits ou détenus par le père, une violence crue et dérangeante, des ordres mal définis ou mal compris.
Dans La polygamie du langage, un homme cherche le secret du verbe. Il tue, cache des corps, les brûle. Mais ne cesse de rester détaché, en quête de ce secret. Troublant.
Dans Le fils Watson, un fils porte 235 trousseaux de clés dans un dédale de couloirs où toutes les portes sont closes. Aucune ne s’ouvre. Sa mère demeure dans sa chambre. Son père a rédigé un mémoire sur les rats...
Une expérience de lecture intense, fascinante, dérangeante.
Pour son premier roman : Inversion, le père est mort. Rudd retrouve son demi-frère, mais celui-ci existe-t-il vraiment ? On suit le point de vue de Rudd qui est fasciné par un vieux meurtre rituel mormon qu’il découvre par hasard. Puis c’est au tour de sa femme de tenter de comprendre ce qui leur arrive. Enfin, on entre dans la tête de Rudd. On en saisit toute la complexité, la schizophrénie délirante, sans bornes.
C’est un livre de fous, mais maitrisé.
La Confrérie des mutilés s’éloignait des mormons, avec un humour en plus, très jouissif.
Pour Père des mensonges, Brian Evenson utilise de nouveau un procédé narratif qui multiplie les points de vue sur un même thème. Eldon Fochs est un respectable doyen de l’église des Sanguistes. Il consulte un psychiatre à cause de rêves troublants qui l’obsèdent. Ici, la narration se révèle plus linéaire, plus classique. La critique des églises radicales est féroce, sans faux-fuyant. À un moment donné, le démon de la schizophrénie rattrape Fochs. La violence, la noirceur, la fourberie se dévoilent, sans gêne. Ce dernier roman est donc plus réaliste, mais il permet à Evenson de se renouveler, sans jamais s’éloigner de ses thèmes de prédilection. Sa finale est atroce, car on y croit. La manipulation triomphe.
Rectificatif: Père des mensonges a été publié en 1998, puis Contagion en 2000, La Confrérie des mutilés en 2003 et Inversion en 2006. Je donne les dates de parutions originales, non pas celles en français, qui sont dans le désordre, comme souvent.
RépondreSupprimer