Je ne suis pas en France, mais
je tiens une correspondance avec une classe de primaire dans le cadre du prix Les Incorruptibles, auquel participe Le Voleur de sandwichs. Ils me posent
des questions à distance, auxquelles je réponds. Les premières demandes étaient
classiques: pourquoi j’écris, depuis quand…
Aujourd’hui, ils me demandent si
tout le monde parle français au Canada. Je mesure la distance qui nous sépare.
Je leur explique nos deux langues officielles et le statut particulier du
Québec. Je leur demande si, eux, se sentent francophones. Je suis curieux de
leur réponse.
Mercredi 17 mai
– Festival des arbres – Toronto
Je suis invité, comme une
quinzaine d’autres auteurs au Festival des arbres organisé par l’Association des bibliothèques de
l’Ontario (ABO). Notre album Aux
toilettes y est finaliste pour le prix Peuplier qui sera remis demain avec
deux autres. C’est ma première visite pour cette manifestation et je suis
impressionné par les moyens mis en place: avion, hôtel…
Mireille
Messier, seule auteur torontoise francophone en lice, a organisé un souper avec
les auteur.e.s – les femmes sont très largement majoritaires. Nous venons
surtout du Québec, mais aussi des maritimes, de la Saskatchewan et de l’Ontario.
La francophonie canadienne est réunie dans la capitale ontarienne. Nous nous
retrouvons donc avec plaisir au restaurant Le Papillon. L’ambiance est bonne,
nous sommes heureux de nous connaître, de nous découvrir, d’échanger.
On jase
du métier, des éditeurs, des rencontres dans les écoles. Les écrivains jeunesse
font beaucoup d’animations. Nos expériences semblent similaires. Une
bibliothécaire à notre table – Eugenia Doval – nous parle de son travail, des
moyens à sa disposition. Nous comparons avec l’état lamentable des
bibliothèques en milieu scolaire au Québec, de l’absence de moyens et de
bibliothécaires. Comment donner le goût de lire à des élèves qui n’ont accès
qu’à des bibliothèques désertes, froides, poussiéreuses, inanimées ? On
rêve de cloner Eugenia.
Elle
nous partage ses expériences, nous explique l’importance capitale de lire des
histoires aux enfants, quel que soit leur âge. L’idée de faire lire des livres
aux plus jeunes par les plus âgés me semble excellente.
Le
souper est stimulant, joyeux. On rentre à pied jusqu’à l’hôtel. Je discute avec
Jacques Goldstyn. Il me raconte son prochain livre. C’est un bon moment.
Une
soirée stimulante et constructive au cœur de la grande cité anglophone.
Jeudi 18 mai – Festival des arbres – Toronto
Je
finis mon journal en beauté, car Aux
Toilettes a remporté le Prix Peuplier. L’organisation de la journée est
impeccable, avec près de 2000 jeunes francophones venus célébrer le livre en
français. La veille, ils étaient 5000 anglophones pour The Forest of Reading.
Cet évènement est mis en place par l’Association des Bibliothèques d’Ontario
(OLA) depuis 2012 à travers toute la province.
La
différence d’achalandage entre les deux volets est en fait un bonne nouvelle,
car la version franco a doublé depuis l’an passé. À l’origine, le festival
n’existait qu’en anglais. Le Festival des arbres est une véritable fête conçue
pour et par les enfants. Ceux-ci sont impliqués à chaque étape: conférence,
dédicaces, remises de prix, dessins des prix, présentation des auteurs sur
scène. On sent la volonté de célébrer les écrivains et les illustrateurs. Mes
collègues et moi, nous nous sentons comme des rock-stars — applaudis,
félicités, photographiés. Les files s’allongent pour nous demander des
autographes et des selfies. On rêve debout, là.
Ce
festival grossit chaque année et le volet francophone est impressionnant. Il
n’existe rien de comparable au Québec, où le livre jeunesse est célébré à
travers une série d’évènements de moindre envergure: Prix des libraires
jeunesse, Livromagie, Festival TD… La comparaison est inutile, il faut surtout
retenir l’action conjuguée des bibliothèques publiques et scolaires, avec un
travail énorme, passionné et intelligent effectué par ces dernières. Les jeunes
doivent lire au moins trois des dix livres finalistes pour pouvoir voter dans
une catégorie. Et ça marche ! Ils viennent me voir et me parlent spontanément
d’Aux Toilettes pour me donner leurs
commentaires. Les professeurs sont enthousiastes. La lecture devient plaisir et
la langue s’apprend dans la joie. On jase et on lit beaucoup en français à Toronto. Il y
a donc de l’espoir.
À suivre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire