23 mai 2017 – Mandeville – en guise de conclusion
Ma
virée francophone s’achève. Qu’en reste-t-il ?
En
relisant mon introduction, je la trouve bien ambitieuse. «Notre langue est-elle menacée ou a-t-elle
encore de beaux jours devant elle?» Bien sûr, je n’ai pas trouvé la réponse à
ma question, mais j’en ai découvert des éléments qui m’ont étonné, voire
encouragé. En Ontario comme au Yukon, les acteurs de la francophonie — les
militant.es devrais-je dire — se donnent les moyens de faire vivre la langue.
Ils savent que cela passe par l’éducation et ils se battent pour ça. Ils sont
aidés, subventionnés. Leur détermination est inébranlable. Ils luttent pour la
survie de leur culture, pour que leurs petits-enfants parlent la même langue
qu’eux. Le combat sera-t-il victorieux ? On a le droit d’être pessimiste,
tant que le fait anglophone domine, gagne du terrain. Mais en visitant
Whitehorse où les classes d’immersion se multiplient, où les francophones du
monde entier rappliquent et s’installent, j’ai senti l’espoir renaitre. Bien
sûr, le français reste isolé, dans son coin, à 5500 km de Montréal, à 2000 km
d’Edmonton.
Au
Québec, on se sent moins menacés, mais on reste sur nos gardes. La question
linguistique est sur beaucoup de lèvres. La lutte demeure politique, acharnée,
essentielle.
En
Suisse comme en France, on en dans la culture avant toute chose. La notion de
francophonie reste abstraite, elle n’intéresse que moyennement.
Au-delà
des statistiques plates, je retiens surtout de mon formidable périple, une incroyable
énergie, un plaisir à lire et à écrire en français. J’ai rencontré des
enseignant.e.s, des organisateurs et des bibliothécaires passionnants, à
l’énergie communicative. J’ai souvent été ému par un progrès, un accent, un
nouveau mot appris ou partagé. Qui a dit que c’est dans les petits combats qu’on
gagne les grandes victoires ? Sûrement pas Napoléon. Tant qu’il y aura des
Danielle Bonneau, des Sandra Saint-Laurent, des Eugenia Doval, des Violaine
Boels, des Philippe Porée-Kurrer et tant d’autres, les jeunes lecteurs et
lectrices auront des livres francophones à se mettre sous les lunettes, des
histoires à écrire, des écrivains à rencontrer.
Alors,
oui, le français est une langue bien vivante, au Québec et ailleurs. Mais le
moindre relâchement entraînera son recul.
En
attendant, je range mes valises. J’ai donné tous mes livres lors de mes
tournées. Je suis de retour au chalet, où je passerai l’été à écrire.
Pendant que je conclus ce texte, un courriel entre dans ma boîte. Je viens de recevoir le PDF du recueil des textes écrits à Verner et North Bay. Un vrai livre, mis en page, illustré, révisé. Les écrivains en herbe vont ainsi pouvoir trouver leur lectorat francophone. Ils garderont aussi une trace de leur écriture, une fierté. Tout est dans tout.
Pendant que je conclus ce texte, un courriel entre dans ma boîte. Je viens de recevoir le PDF du recueil des textes écrits à Verner et North Bay. Un vrai livre, mis en page, illustré, révisé. Les écrivains en herbe vont ainsi pouvoir trouver leur lectorat francophone. Ils garderont aussi une trace de leur écriture, une fierté. Tout est dans tout.
Jeudi 25 mai
2017 – École élémentaire Rawdon
Ultimes animations dans une
école primaire anglophone dans la région de Lanaudière. C’est une visite
tardive dans la saison, mais le Community Development Technician m’a
expliqué qu’il y avait eu un «surplus
de fonds avec le programme Culture à l'École». Voilà qui est étonnant, en plus
de rencontrer des classes d’un Community
Learning Center. Juste
avant d’arriver, un énorme trou a englouti la route, à deux pas de
ma destination. Les pluies abondantes des derniers mois en seraient
responsables. Faut-il y voir là une métaphore de l’état de notre langue au
Québec ? Serons-nous bientôt à notre tour avalé par un gigantesque
glissement de terrain linguistique ?
À ma grande surprise, je
débarque dans une école publique appartenant à la commission scolaire
Sir-Wilfrid-Laurier (Sir Wilfrid Laurier
school board).
Dans mon esprit d’habitant du Plateau Mont-Royal, les
anglophones se tiennent juste à l’ouest de Montréal et en Estrie. Dans les
couloirs, des panneaux présentent des travaux effectués à partir de mes livres.
Les classes sont visiblement très bien préparées – on sait qui je suis et ce
que j’ai écrit.
Je rencontre des élèves de 4e, 5e et 6e
années qui sont tous parfaitement bilingues, s’expriment avec aisance en
français, certains avec un vocabulaire très soigné. Ça se passe plutôt bien. Et
la même question revient, posée à l’envers: où trouver mes livres ?
J’explique le piège des ressemblances entre librairie et library. La plus proche se trouve à Joliette, à 45 km de là.
La professeure m’explique qu’ils n’y vont jamais, d’autant moins qu’il s’agit
d’une librairie francophone…
Je repars en effectuant un grand
détour pour éviter le glissement de terrain. J’ai la francophonie qui me sourit
aujourd’hui.
À suivre : un dernier épisode franco-français
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