Lundi 10 mars
2017 – Sion, Valais, Suisse – La Bataille des livres
Je suis arrivé à Genève dimanche
soir, invité à la Bataille des livres qui se déroule dans toute la Suisse
romande durant une semaine. J’y ai retrouvé 18 auteurs de la francophonie:
Français, Belges et Suisses. Je suis le représentant québécois.
L’organisation fête ses 20
bougies et tout est huilé. L’accueil est formidable et les auteurs ou
illustrateurs présents sont enthousiastes. Certains en sont à leur 5e
participation.
Lundi, journée occupée par trois
animations à Genève et Satigny. Les élèves sont charmants. Ils ont bien été préparés,
ils ont lu le Voleur de sandwichs. Un
groupe m’accueille avec des affiches de sandwichs et un énorme gâteau en forme
de hamburger. Je roule toute la journée avec Zita, originaire du Valais. Elle est
enseignante à la retraite, bénévole depuis longtemps dans cet événement.
Et la francophonie là-dedans?
Les Suisses romands sont minoritaires en Suisse, mais la communauté est très
vivante et active. La majorité alémanique ne menace pas la langue française,
semble-t-il. On est vraiment en présence de deux cultures qui vivent ensemble
depuis longtemps, en harmonie.
À Genève, deux classes très
multiculturelles, où l’intégration semble aller de soi.
Mes collègues de tournée sont
heureux de se trouver là. On échange dans la voiture, au restaurant. On ne nous
laisse jamais seuls.
Une vision de la francophonie
totalement inédite pour moi.
Un comité sélectionne une
trentaine de livres selon 4 niveaux, qu’il propose aux écoles. Les élèves
lisent tout ce qu’ils peuvent, puis votent pour leur préféré. Les échanges en
classes sont classiques, les questions sans surprise, mais j’ai senti l’intérêt
des jeunes, l’enthousiasme des enseignants.
Le français n’est pas mort de ce
côté-ci des Alpes.
Se battre avec des livres,
quelle drôle d’idée! Le concept a été importé du Québec, il y a 20 ans. Le nom
prête encore à discussion, mais il demeure. On ne se jette aucun bouquin à la
face; on en discute plutôt. C’est une bataille douce, un échange de mots plutôt
que de maux.
Mardi 21 mars –
St-Maurice, Valais, Suisse.
Les rencontres avec les élèves
suisses se passent vraiment très bien. Ils ont préparé des questions, un gâteau
(c’est aujourd’hui mon anniversaire), des dessins, des affiches. Ils avaient même
écrit des fins imaginaires à mon album LeNoël blanc de Chloé et organisé un jeu sous forme d’énigme. Ils ont lu
plusieurs de mes livres. Ils sont curieux aussi. Très polis également, me
serrant spontanément la main pour me saluer.
Les bénévoles qui nous
véhiculent sont adorables. Tout est payé, repas compris. À midi, fondue avec
les professeurs à Bramois.
On a aussi le temps de discuter
avec les autres auteurs. Au déjeuneur, au dîner, au souper, en voiture. La
réalité des écrivains jeunesse en France, en Belgique et au Québec semble assez
proche. Plusieurs font beaucoup d’animations comme moi. Certains ont un emploi
à plein ou mi-temps: gardien de résidence pour personnes âgées, sismologue… On
s’échange des impressions, bonnes et mauvaises, sur les éditeurs. L’ambiance est
franchement fraternelle et amicale. Je ne sens aucune compétition. Ne
connaissant personne, je découvre, je partage. C’est stimulant. J’ai ce
sentiment d’appartenir à une vaste famille internationale. La francophonie
prend le visage de ces hommes et femmes, très différents, amusants, jamais
prétentieux.
Elle devient tangible, palpable
et humaine.
Vendredi 24
mars – Genève
La tournée se termine avec une
classe de 7H totalement enthousiaste. J’ai encore l’impression d’être une rock
star lorsque je signe des autographes. Encore là, les élèves ont lu, étudié,
préparé la rencontre. L’enseignante a bien travaillé et tout le monde est
heureux. Si ça pouvait toujours être comme ça! On dîne avec deux professeures,
qui m’invitent. Pas de reçu, pas de remboursement en vue. Elles paient de leur
poche, avec un grand sourire. Cela fut ainsi les cinq jours. J’apprécie
grandement. Mes accompagnatrices me répètent que c’est normal.
La même question revient: «Où
trouve-t-on vos livres?» Le Voleur de
sandwichs des éditions La Pastèque est très bien distribué en Europe francophone.
On peut aussi acheter Le Noël blanc de Chloé,
publié chez Grasset Jeunesse, et On
aurait dit republié chez Le Seuil jeunesse. Pour les autres, les
professeurs ont tenté leur chance sur Amazon ou à la Fnac, mais les délais de
livraison de plusieurs semaines lesont découragés — quand les livres sont
disponibles.
La francophonie littéraire est
ainsi, cloisonnée. Le protectionnisme français nuit au Québec. Seule évolution:
une enseignante dont les élèves sont de grands lecteurs a décidé d’acheter la
version numérique des Voleurs de mémoire
et le lit en classe à ses lecteurs. Ils adorent ça.
La technologie était très peu
présente dans les classes que j’ai visitées. Pas de tablettes en vue. Les
élèves travaillent et lisent de manière classique, avec du papier, et ça
fonctionne à merveille.
En discutant, je découvre le
système suisse et ses quatre langues officielles: français, allemand, italien
et romanche. Cette dernière serait en train de disparaître avec ses locuteurs
vieillissants. Le cas de l’allemand est intéressant, car les Romands
l’apprennent à l’école, mais cette langue n’est pas vraiment pratiquée en
Suisse allemande où, selon son comté, on utilise un dialecte alémanique souvent
incompréhensible par les habitants de la vallée suivante. La langue dominante
est donc une langue d’usage sans avoir un réel pouvoir. La francophonie côté Suisse
semble avoir de beaux jours devant elle.
Prochain
épisode : retour au Québec avec le collège Durocher
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire