Lundi 27 mars
2017 – Collège Durocher – St-Lambert
Je suis invité dans ce collège
privé depuis trois ans pour y présenter ma trilogie de science-fiction pour
adolescents : Les Voleurs. Je
rencontre toutes les classes de secondaire 1: 14 au total, en cinq jours.
Dans le premier groupe, je remarque qu’ils lisent tous et toutes, de gros bouquins.
Je m’approche d’une élève qui transporte un roman particulièrement volumineux:
un ouvrage de Stephen King… en anglais. Le professeur m’explique que le nombre
d’anglophones qui viennent étudier en français augmente sans cesse. Ce qui
semble une bonne nouvelle pour la francophonie. Tous les élèves peuvent étudier
en français au Québec. C’est pour étudier en anglais que ça devient compliqué,
en vertu de la loi 101. L’enseignant m’apprend aussi que de plus en plus
de jeunes parlent anglais à l’école, au détriment du français, justement.
Le danger guette sans cesse.
Combien de générations cela prendrait-il pour que Saint-Lambert devienne
anglophone? Sûrement pas plus que trois.
Je continue ma présentation et,
comme d’habitude, les élèves ignorent ce qu’est une utopie. Quelle tristesse de penser qu’un des plus beaux mots de
notre langue leur est inconnu. Mais il y a tant de choses qu’ils ignorent.
Edward Snowden? Un élève sur 34 en a entendu parler. Ils ne lisent pas les
journaux. Ne s’intéressent pas à la politique. Pourtant, ils semblent curieux,
allumés, ouverts. Mais leur culture tourne en rond. Ce pourrait-il que leurs
parents ne discutent jamais de l’actualité devant eux? Ça en a l’air.
Je me souviens d’un professeur
d’histoire au lycée, qui nous faisait étudier les socialistes utopiques: Saint-Simon,
Fourrier et ses phalanstères… Bien sûr, rien n'est comparable. Aujourd’hui, on envisage plutôt d’instaurer des
cours d’économie personnelle dans les collèges. C’est triste et symptomatique
de notre époque. Au diable les utopies, place aux REER!
Mardi 28 mars
2017 – Collège Durocher – St-Lambert
Je fais mes présentations dans
la salle de lecture de la bibliothèque du pavillon des 1ères et 2èmes
secondaires. C’est un lieu superbe, avec des boiseries, un plancher verni, de
grandes fenêtres. Lorsque j’arrive le matin, des dizaines d’élèves sont
installés pour lire. Ils prennent vite des livres quand la cloche sonne. Trois
bibliothécaires travaillent ici à plein temps. Une moyenne de 2000 livres est
empruntée chaque mois, autant par des garçons que par des filles. À chaque
récréation, l’espace se remplit. Les lecteurs et les lectrices fourmillent et
c’est beau à observer. On ne peut que se réjouir de cette passion livresque.
Quel contraste saisissant avec
la bibliothèque du collège Jeanne-Mance, quasi à l’abandon faute de moyens et
de personnel. Un déséquilibre désolant entre les écoles publiques et privées,
qui sont subventionnées à 75 % par nos impôts. Cherchez l’erreur.
Un peu plus tard, au sujet de la
langue que nous parlons au Québec, une élève parle de franglais. Elle explique que nous parlons un mauvais français bourré
d’expressions incorrectes et qu’on emploie un bon français en France, mais pas
ici. Je la corrige, car je ne suis vraiment pas d’accord. Le français employé
au Québec est tout aussi valable que celui qu’on parle dans l’Hexagone.
Ça me rappelle l’essai de l’Insolente linguiste (c’est elle qui se
surnomme ainsi) Anne-Marie Beaudoin-Bégin: La
langue rapaillée, Pour combattre l’insécurité linguistique des Québécois.
Elle s’y insurge contre la norme des dictionnaires français de France qui
classent certains termes comme régionalisme, voire barbarisme, parce qu’on ne
les utilise pas à Paris. Le français vit partout autour du globe. Il s’y est
développé des particularismes qui sont autant de richesse, et non le contraire.
À suivre...
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