23 et 24 janvier 2017 – Nord
Ontario
L’avion qui me ramène de
North Bay à Toronto n’est comme souvent occupé que par une douzaine de
voyageurs. Je songe à tout ce que cela coûte de m’envoyer là pour passer
quelques heures avec des élèves qui ne se doutent évidemment pas de
l’investissement que mes visites représentent.
Hier à North Bay, nous avons
commencé la correction des textes et le contraste avec ce que j’ai vécu la
semaine précédente au Québec m’a frappé de plein fouet. Je suis avec des Franco-ontariens.
Nombre d’entre eux parlent anglais à la maison. Leur professeure me dit qu’ils
perdront leur culture si ça continue ainsi. Que faire d’autre que de résister
et de parler, de lire et d’écrire en français? Résistance vaine ou salutaire? À
voir leurs écrits, mon optimisme habituel bat de l’aile.
Ce matin, sur la route 17
qui me menait à Verner, j’écoutais La
Matin du Nord, l’émission de Radio-Canada. Je mesure son importance
capitale. Les informations locales en culture, politique, économie et sports
sont essentielles à la communauté francophone du nord de l’Ontario. J’écoute
des groupes du coin. Quand on repasse aux nouvelles nationales qui indiquent du
mauvais temps à Montréal, je me mets à la place des habitants de Verner qui
doivent écouter cela avec distance. Au retour de l’émission, la présentatrice
ne manque pas de lancer une petite pique, soulignant gentiment que le Québec
n’a pas le monopole des tempêtes de verglas.
Coincée au milieu d’une
plaine, Verner a préservé sa culture francophone. Alors oui, ma venue ici sert
à quelque chose. C’est une goutte d’eau dans un océan anglophone, mais elle
joue son rôle. Mon optimisme se ragaillardit.
Lundi 30 janvier 2017 – Montréal
Dans Le Devoir, je lis un article sur la situation du français au
Canada. Rien pour nous rassurer. Intitulé «Le français reculera comme langue
maternelle d’ici 2036», il s’appuie sur un document de Statistiques Canada qui
dans ses Projections linguistiques pour
le Canada de 2011 à 2036, prévoit que «le poids démographique de la population
de langue maternelle française au Québec devrait passer de 79 % en 2011 à
une proportion oscillant entre 69 % et 72 % en 2036.»
Les
chiffres sont sans pitié. «À l’échelle canadienne, cette proportion devrait
chuter de 21,3 % en 2011 à un taux se situant entre 17 % et 18 %
en 2036.»
Comment remédier à cet état de fait? Ce
que je pressens dans mes classes ontariennes s’écrit noir sur blanc: «La précarité du français à l’extérieur de la Belle Province
est aussi inquiétante: la proportion de francophones hors Québec devrait passer
de 3,8 % en 2011 pour s’établir à environ 2,7 % en 2036.»
Cela
me fait penser à cette enseignante rencontrée lors d’une tournée Lire en tête
(une autre belle initiative organisée par Communication Jeunesse pour faire
rayonner la littérature québécoise partout au Canada.) Ça se passait à Winnipeg
et elle m’avouait s’être inquiétée que ses deux filles se marient avec des
anglophones. On le sait bien, les mariages mixtes tuent la culture minoritaire,
ce qui est le cas pour les Franco-manitobains qui représentent moins de 3 %
de la population. Son aînée s’était mariée avec un francophone et la famille
soufflait à moitié mieux.
Mais
à part se reproduire entre nous et favoriser l’immigration francophone, que
faire? Dans un autre article du Devoir (mon
journal préféré, vous l’aurez compris): Le
cégep de New York, Jean-Benoit Nadeau avance une idée intéressante. «Ce qui
fait cruellement défaut, c’est une politique — la loi “202”? — qui
partirait du principe que, pour bien protéger le français au Québec, il faut
aussi le porter ailleurs: dans nos politiques éducatives, de communication, nos
politiques culturelles, à travers l’action des entreprises, partout et en tout.
La meilleure défense, c’est l’attaque.»
Ainsi
donc, plutôt que de jouer aux chiens battus, on deviendrait proactif, allant
jusqu’à l’ouverture d’un cégep à New York! Je le cite encore: «Bref, il est
vital que le Québec se donne un “Plan Amérique”, pour mieux exploiter sa
principale ressource naturelle, qui n’est pas l’hydroélectricité, mais le
français. Il y a, sur le continent, 33 millions de francophones — quatre
fois la population du Québec. Nous leur parlons peu ou mal, parce que nous imaginons
le français comme une petite chose en perdition alors qu’il s’agit de la
troisième langue internationale. Ce qui nous place dans la situation absurde où
nous subissons la mondialisation, alors qu’elle devrait être notre premier
tremplin collectif.»
La solution, loin d’être bête, serait
donc là: francophones d’Amérique, unissons-nous! La vitalité de cette approche
me séduit. Je vais y travailler à mon humble mesure.
À suivre…
"La meilleure défence, c'est l'attaque." Très bien. Le français, et la France, ont un rôle à jouer dans le monde. Un rôle d'équilibre sur le plan politique, et un rôle de communicant, de créateur. Beaucoup de Français aujourd'hui ont une fâcheuse tendance au défaitisme, et ont oublié tout cela. Bravo André, en ce 17 juin, les Français parlent encore aux Français du monde entier.
RépondreSupprimerMerci Pascal.
RépondreSupprimerPlus que la France, c’est la francophonie qui m’intéresse. À chacun d’y jouer son rôle. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’échanger à ce sujet avec de jeunes Français. Leur réponse est très intéressante, mais il faudra attendre l’épisode 14 pour la lire…